Roman Chorale 19 Le roman de Robert

Malgré le petit air frais de ce mois de novembre 1957, le soleil arrose abondamment le Détroit River et Robert Bloch s’est confortablement assis sur un banc pour lire le journal local, le Detroit Free Press.

Il est venu à Détroit pour rencontrer Ernest Hemingway qui signe son dernier roman à partir de six heures PM et Robert doit attendre patiemment l’heure.

La une du journal, accroche son regard : le « boucher de Painfield » vient d’être arrêté, lire l’article page deux.

Curieux de connaître l’histoire de ce sérial killer nécrophile, Robert Bloch qui a déjà commis quelques romans dans le genre, se passionne pour l’article et les détails macabres : arrêté  pour le meurtre de Bernice Worden à Plainfield, Wisconsin, et chez qui l’on a découvert quelques dizaines d’objets fabriqués à partir de cadavres déterrés dans les cimetières avoisinants, Ed Gein est soupçonné de plusieurs autres meurtres.

Robert Bloch, qui n’habite pas très loin de Painfield, se demande ce qui peut pousser un homme à de telles extrémités, l’imagination du romancier se met en marche et il se promet d’aller faire une visite à Théodore McMillan le sheriff du comté qu’il connait bien.

Le taxi qui l’emmène au book store où ont lieu les dédicaces de Monsieur Ernest Hemingway, passe tout à coup devant une maison abandonnée qui interpelle Robert; la bâtisse, bien qu’assez délabrée, ressemble à un petit manoir avec sa tour pointue couverte d’ardoises grises.

Un étrange halo blanchâtre semble l’entourer et, sans comprendre ce qui le pousse, Robert demande au taxi de s’arrêter et de l’attendre. Sans écouter les protestations du chauffeur qui marmonne des mots où il est question d’endroit maudit, Robert entre dans ce qui fut un jardin, et tombe en arrêt devant un rond de dix centimètres de diamètre complètement désherbé.

Tiens, se dit-il, on pourrait appeler ce rond « un cercle imbherbe »…

C’est en essayant d’y déblayer la terre avec le bout de sa chaussure qu’une sensation incroyable l’envahi : un éclair déchirant puis l’impression de flotter au dessus du sol s’accompagne de la vision d’un indien en habit de cérémonie et de rires machiavéliques suivis de cris déchirants le tout dans un halo rouge qui se déforme constamment.

Robert recule et tout s’arrête.

Il décide alors de sauter le trou pour continuer vers la maison mais tout revient en plus intense, en plus fort et en plus coloré.

Les cris se font plus audibles : »Maman ! Norma ! Normal ! Norman ! »

Les images projettent des couteaux, des visages déformés par la peur, un rideau de douche puis du sang, un fleuve de sang.

Il recule enfin et, fortement ébranlé par ce qu’il vient de vivre, il remonte dans le taxi et demande au chauffeur de décamper à toute vitesse.

Ce n’est que le soir, après avoir repensé  calmement à ces visions incroyables qu’il va y voir comme un signe du destin et qu’il va décider d’en écrire un roman.

Il a même trouvé un titre qui résumera bien le synopsis : Psychose.

Ce qu’il ne voit pas, c’est au plafond de sa chambre d’hôtel, l’image projetée de l’indien de la vision de l’après midi. Un indien coiffé de sa parure de cérémonie, un indien qui sourit.

Et Dieu sait si c’est rare, un indien qui sourit …

 

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2 thoughts on “Roman Chorale 19 Le roman de Robert

  1. C’est comme quoi, même les cauchemars à l’été d’éveil peuvent se traduire dans la vie par des psychoses, maman. Normale ou non, norman. On se promène de temps en temps par ici, de lieu en lieu, de personnages en personnages.

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