chroniques du ver sot: Le testament de l’oncle Cristobal

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Ben mes aïeux, il m’en arrive une, pas piquée des hannetons : figurez vous que je suis convoqué chez Maître Phillou, notaire sis à Ste Foy-la-Grande, magnifique cité médiévale où la Dordogne se pacse à la Gironde sans contrat de mariage.
La féerie de ce coin est tout simplement féerique! J’peux pas mieux dire.
Objet de la convoc: Suite au décès du sieur Cristobal Culcousu y’aurait comme un héritage orphelin qui ne demanderait qu’à se faire consoler.
Ca tombe bien vu que je serais plutôt à sec en ce moment et puis c’est bien grâce aux neveux fauchés que la légende des tontons à héritage perdure dans notre histoire de France, non ?
Inutile de vous préciser que notre bien aimée SNCF n’a pas cru bon de desservir ce lieu enchanteur et qu’à partir de Bordeaux c’est le système Démerde qui permet de se déplacer.
Qu’à ce la ne tienne, Etienne, je loue donc une tire chez Larigot (Ben ouais) et me voilà sur les départementales bien proprettes du Bordelais. C’est marrant de deviner l’endroit approximatif où vous vous trouvez uniquement à l’aspect des routes secondaires; par exemple les routes bordées de villages fleuris c’est plutôt le Chnord ou l’Alsace, dans le Bordelais c’est toujours nickel, dans l’ile de France ce sont les routes bordées de panneaux publicitaires et vers le sud ce sont les sacs plastiques qui vous indiquent que de la propreté, ici, on s’en tamponnent le coquillard : question de mentalité…
J’arrive donc place Gambetta à Ste-Foy-La-Grande et au petit attroupement devant l’étude studieuse de Maître Phillou, je constate que je ne suis pas le seul récepteur de legs du sieur Culcousu, Cristobal, le bien aimé (lui et son héritage).
Les divers convoqués sont plutôt gais et rieurs pour honorer un décédé mais que voulez vous, la peine s’efface devant le futur souvenir des lendemains plus riches… Merveilleuse oxymore pour dire qu’on préfère pleurer un richard qui a pensé à nous  que de payer les obsèques d’un fauché égoïste qui n’a même pas eu la décence de mettre quatre ronds de côtés pour se faire regretter…
Le chagrin a ses raisons que le chat gris ne connait pas.
Un couple me fais tressauter la sous ventrière : on les dirait tout droit sortit d’un dessin de Dubout.
Lui petit, maigrichon, moustachu et l’air de ne pas y être et elle matrone expansée et débordante de partout, le sous tif prêt à rompre, l’air de jauger tout le monde et la gouaille accentuée d’un accent trainant sur des relents de poisson.
–    Ho, hé bé, on rentre chez le notaire ? minaude-t-elle dans un souffle de cachalot revenant d’une apnée de cinquante minutes
–    Attends un peu, mamour s’excuse le petit mari en clignant des yeux vers la cantonade.
–    Vouais mais on pète de chaleur, la dehors plaide la cachalote
–    S’il n’y avait que de chaleur… chuchote un anonyme du groupe, certainement en direct live avec l’encensoir perso de la plaignante
–    Voyons, nous ne sommes pas à une minute près, déclare un grand sec d’un docte ton
–    Parler de minute devant un notaire c’est vraiment de l’humour ne puis-je m’empêcher de faire remarquer; sous l’approbation générale de l’assistance qui n’a rien de publique.
C’est à cet instant que maître Phillou arrive à son étude et nous invite à y entrer après avoir ouvert sa porte et fait un magistral geste de bienvenue.  
Il nous fait asseoir et comme il manque un siège, c’est le mari fort mari qui se cogne sa gerce baleinique sur ses pauvres petits genoux ; m’est avis qu’il va falloir que ça aille vite…
–    Mesdames et messieurs, entame le notaire après avoir dépucelé la grande enveloppe contenant le testament, je vous remercie d’être tous ici et si je vous ai convoqués, c’est à la demande posthume de feu Cristobal Culcousu qui m’avait déposé son testament voici deux ans avec comme volonté de ne l’ouvrir que devant vous, ses héritiers. Un grand sanglot sort de la gorge dépoitraillée de Mamour la baleine et le notaire ne peut s’empêcher de demander
–    Vous le connaissiez ?
–    Non, maître, mais je ne peux m’empêcher de pleurer les morts sniffe-t-elle
–    Ben, heureusement qu’elle n’habite pas près d’un cimetière lâche imperturbable le grand sec au docte ton
–    Je ne vais pas vous lire les dernières volontés du défunt coupe le notaire, car Cristobal m’a demandé de vous donner le texte écrit desdites volontés et non pas de vous les lire…
–    C’est quoi l’embrouille demande une petite dame, sèche comme un calamar et bien propre sur elle
–    Ce n’est pas une embrouille reprend maître Phillou, c’est une volonté du défunt.
Joignant le geste à la parole, il nous tend à chacun une feuille calligraphiée à la main, des fois qu’on reconnaitrait l’écriture d’un type qu’on ne connaissait ni de rêve ni des dents.
Comme tous les membres de cette assemblée abîmée dans le recueillement, je me plonge rapidos dans la lecture du document

« Mes chers éventuels héritiers
Je communique avec vous aujourd’hui par l’intermédiaire de mon notaire,  un homme
loyal et au dessus de tout soupçon ; il n’est pas ce genre de personnage fourbe, vénal et
éventuellement malhonnête qui peut détourner l’argent qui lui est confié ; la preuve de
cette loyauté parfaite sera la clarté réelle qu’il mettra pour vous dévoiler une partie de
mon propos post mortem : il vous dira ce que la chance m’a laissé sous la forme de mi-
rages rêveurs: l’idée de la richesse. Lors de belles discussions philosophiques, nous par-
lions de notre monnaie actuelle, issue du travail acharné des financiers européens et si,
comme dans un court texte de George Sand où l’éconduit s’écrie: j’ai compris, puisque
il ne vous en parle pas, il faudra bien chercher ailleurs; vous espérerez peut être entrer
dans la famille des gens qui ont déjoué des manœuvres visant à pouvoir vivre enfin
en possession de tous les dus légitimes … il vous faudra alors être très perspicaces.
Fait à Ste-Foy-la-Grande le 12 juillet 2008 par Cristobal Culcousu sain de corps et
d’esprit et confié sous scellés à maître Phillou, notaire à Ste-Foy-la-Grande pour valoir
de ce que de droit. »

Le texte me paraît un tantinet bizarre et carrément insupportable à la grosse broyant les genoux de son pauvre mari ; elle se met à gueuler :
–    Et alors ça fait combien de blé toutes ces conneries !
–    Je n’en sais pas plus que vous, chêêêre madame s’excuse l’exécuteur du mort
–    Peau de balle et balle de crin propose le docte
–    Vous… vous voulez dire que c’est un héritage sans argent ? s’étonne la mémé toute sèche
–    J’en ai bien peur conclue le notaire d’un air navré
–    Qui va nous rembourser les frais du voyage ? pleure le petit mari si petit qu’on le croit plus loin.
Perso, tout en écoutant ce beau monde d’une oreille abstraite, je me dis que quelque chose cloche dans cette histoire ; La question à se poser est : pourquoi avoir fait un testament si rien n’en découle? La réponse est qu’il doit y avoir obligatoirement quelque chose que nous n’avons pas vu.
Je reprends le testament, je le relis et au bout de la quatrième relecture la lumière se fait dans mon cerveau lent.
J’interpelle alors le notaire escroc :
–    Cher, très cher maître, je dirais même trop cher maître, si vous nous parliez maintenant des millions d’euros que notre légataire vous a confié afin de nous le remettre?
Un immense sourire de joie mêlé d’un rictus d’incompréhension se lit sur toutes les tronches d’ampoules des héritiers et une énorme déception sur celle de maître Phillou qui devra attendre des héritiers plus bêtes pour se faire un magot sur leurs dos.
Hé oui mes amis, il faut toujours se méfier d’un notaire qui n’a pas l’air d’être ce qu’il est…
Forcément, vous avez tous compris l’astuce ?
Non ?
Hé bien, pour ceux qui n’ont pas flairé le traquenard, et si vous voulez connaitre la solution, je vais vous obliger à me faire un commentaire pour me la demander; et poliment en plus !
Tiens, cela va me permettre de savoir si je suis lu en profondeur ou en diagonale.
On est cabot ou on ne l’est pas…

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5 thoughts on “chroniques du ver sot: Le testament de l’oncle Cristobal

  1. C’est sans doute de cette indication pas très visible au premier coup d’oeil: « vous espérerez peut être entrer
    dans la famille des gens qui ont déjoué des manœuvres visant à pouvoir vivre enfin en possession de tous les dus légitimes … il vous faudra alors être très perspicaces. » qu’une chasse au trésor cousue de fil blanc semble s’ouvrir……
    (Clin d’oeil perso à l’oncle cristouf’!)

  2. Il est affirmé dans le texte écrit par le défunt Culcoussu,  » … qui peut détourner l’argent qui lui est confié..  » Donc, il y a argent. Plus, la citation de George Sand, l’éconduit s’écrie: J’ai compris puisque il ne vous en parle pas…  » Cristobal signifie qu’il exige la perspicacité de ses héritiers pour entrer dans la famille des gens qui savent déjouer les manoeuvres etc.
    Peu importe, j’ai adoré jouer sur cette lecture débordante d’humour reconnu de rêve et de dents.

  3. Pff, une fois qu’on a le truc, c’est facile, mais moi, je l’ai pas trouvé.
    Quoiqu’il en soit, cette nouvelle est bien digne de notre grand Marcus et je me suis bien amusée (deux jours à chercher quand même avant qu’il ne nous livre la clef de l’égnime le bougre) !

  4. – Je ne vais pas vous lire les dernières volontés du défunt coupe le notaire, car Cristobal m’a demandé de vous donner le texte écrit desdites volontés et non pas de vous les lire…

    IL Y A BIEN UNE CONTRADICTION AVEC LA PHRASE QUI SUIT :

    …. sera la clarté réelle qu’il mettra pour vous dévoiler une partie de mon propos post mortem : il vous dira ce que la chance …

    sinon je donne ma langue au chat

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