Poissard : le 4ème duel

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Chapitre 12 B  Ou j’ai laissé tout notre beau monde au débarquement de Roissy-Charles-de-Gaulle. Grand moment, s’il en est car l’amitié Franco Québécoise va jeter les bases d’une relation infernale sur le sol français.

 

Voyant que ma méprise était vraiment méprenante, la jobastre se radoucie et me tend une large main et se présente brièvement :
-« je m’appelle Cunégonde et je suis une cousine votre de mon Québec libre. Excusez ma valise à queue c’était une blague…
– Hé bé moi, je suis un Poissard de derrière les fagots et je suis marié à cette merveilleuse gro… femme qu’a été un poil maladoune dans l’avion.
– Haaaa, c’est donc vous ? Faut lui dire à votre moitié et demi, de manger sain avant d’embarquer
– Écoutez cousine, pour nous faire pardonner, je vais vous laisser mon adresse et, des fois que vous viendriez par chez nous, je vous invite chaleureusement. En attendant, et vous m’en voyez fort mari, je dois accompagner ma femme à la télé française car elle va jouer au grand jeu national « le 4ème duel » présenté par un magret bien très bien : Naguy.
Allez, je vous fais le bec de l’amitié et à bientôt, hein ? On s’perd pas de vue hein ? Ciao, cousina mia.

Je laisse toute cette faune québécoise et je file car aujourd’hui c’est l’apocalypse : tenez vous bien ! Madame Poissard, ma femme,  va à la télé, pour jouer au 4ème duel !

D’entré, je vous le dis tout net, mes amis : je plains le présentateur et l’adversaire fou qui va oser défier ma libellule. Notez que le gonze (ou la greluche) ne peut pas savoir à l’avance qu’il va jouer sa vie.

Déjà elle voulait se faire tatouer les dates des règnes des rois de France sur ses bras; « on sait jamais m’avait-elle décrété ils peuvent pas interdirent les tatouages, non ? C’est ma vie privée, ça ! »

Renseignements pris, seuls les tatouages sur l’intérieur des cuisses étaient autorisés à être visibles et encore : Pour les femmes de moins de 38 de tour de taille… 

« Ce sont des gros porcs » avait été le jugement ultime de cette brave femme qui fait du 86.

Nous voici aux studios de France 2 et, à l’entrée, un portier nous demande la raison de notre visite.

–        Hé le loufiat, je suis la Poissard et viens gagner de la thune à ton jeu pourrave  » le 4ème duel » alors ne m’emmerde pas et tu auras ton pourliche à ma sortie.

–        Heu… voui madame Quoissard, je vérifie…

–        Quoi je vérifie ? Y va pas mettre ma parole en doute l’enclume, non ? Et pis c’est pas Quoissard mais Poissard du nom de çuilà ajoute-t-elle en pointant son gros doigt boudiné vers moi.

–        C’est bon dit le serviteur servile après avoir hoché respectueusement la tête vers son parlophone, vous pouvez y aller?

–        Ben surement que j’y vais, sans blague !

Juste qu’elle n’a pas demandé où qu’il fallait aller…  Après avoir engueulé trois innocents qui avaient le toupet d’ignorer qui elle était, nous tombons enfin dans une salle bondée avec un gisquet qui nous accueille avec son micro.

–        Ahhh: Voici enfin notre candidate, minaude-t-il, Madame Troussard je présume?

–        Y présume mal le p’tit monsieur, Troussard, connais pas, moi c’est Poissard avec un P comme Profiterole couine ma douce.

–        Hum, ca se voit rétorque le venimeux en chuchotant

–        Quéquidit? Heureusement que ma gerce n’a pas compris

–        Chère madame, je vous présente votre adversaire Monsieur Vendebout qui nous vient de Montélimar s’exclame le présentateur

–        Heu… non, de Montbéliard rectifie le minuscule candidat

–        Hé, monsieur Pagny, faudrait voir à mettre vos fiches à jour lui lâche, vacharde, ma libellule.

–        Naguy madame, je m’appelle Naguy…

–        Ok, un partout ! on peut commencer, puis elle s’approche de son malheureux adversaire et le renifle de la tête au cou; ça va pas le faire Mr Tanguy, j’ai horreur du Patchouli

–         Naguy madame, je m’appelle Naguy; Mais ce monsieur a bien le droit de se parfumer comme il l’entend, non ?

–        Ah, parce qu’en plus il faut entendre le parfum chez vous? Moi je le sens, c’est un truc de dingue, ça… Bon peu, m’emporte, on a qu’à commencer.

–        Merci madame, vous êtes bien aimable

–        Je vous le fais pas dire gazouille ma gazelle radoucie

A ce moment là, une ovation monte du public qu’on ne peut pas voir rapport aux projecteurs qui éblouissent :

 » Vas-y la Poissard ! vas-y la Poissard ! vas-yyyyyy ! »

J’essaye de distinguer les auteurs de ces encouragements et mes yeux éperdus de bonheur s’habituent enfin à la pénombre ; Il s sont tous là : Courtecuisse, la Sucedebout, Chaude-Oreille, la Coupatrèfle, Frappe-qu’un-coup et même la Tremblante, tous ceux de la bande… Ma bande ! Une grosse larme roule sur ma joue reconnaissante.

Je leur fais un gros signe du bras et de l’autre côté, une autre ovation monte : « Allez Ceusin’! Allez Ceusin’ ! Alleeeezzzz! »

Moi quand j’entends merveilleux accent je me dis que les québécois sont pas loin et effectivement toute la clique de Québec est là debout : Cunégonde, La Ddjosette, Roger-le-sans-moustache et même la darling Voisart! Tout ce beau monde s’encourage  mutuellement pour un barouf que le présentateur fait cesser en annonçant le premier duel.

–        Bien… y’a d’l’ambiance, ce soir

–        Ouuuaaiiiiiiss ! chœurise la foule en délire

–        OK OK OK Bon on va commencer par le premier duel. Mettez vous en face tous les deux et faites vous un regard méchant…. Les gladiateurs obtempèrent mais au bout de dix secondes :

–        Hé, l’asticot ! Hurle ma gerce, tu vas baisser tes petits yeux en trou de pine ou je fais le tour pour t’en mettre une que tu vas te demander qui c’est qui a éteint la lumière ?

Impressionné l’asticot de service se regarde les godasses… le malheureux…il ne faut jamais laisser ma Poissard prendre le dessus sou peine d’avoir à prendre le dessous, si vous voyez ce que je veux dire….

Bon, on y va monsieur Farcy ?

–        Naguy madame, je m’appelle Naguy…

–        M’en branle, on y va ou on prend le train ?

–        La première question est: En quelle année Jésus de Nazareth est-il né. Vous avez le choix entre quatre réponse mais vous pouvez mettre jusqu’à quatre jetons si vous ne savez pas, vous avez bien compris ? pendant que le débris hoche tristement la tête ma Poissard ne peut s’empêcher d’envoyer une vanne:

–        Pour qui qu’il nous prend le Tracy

–        Naguy madame, je m’appelle Naguy… Alors voici les quatre possibilités de réponses:

–        1/ neuf mois avant lui-même,

–        2/ an zéro de notre ère,

–        3/ an 1 de notre ère,

–        4/ il fut mort né….

Là, je vous raconte pas le malaise des candidats surtout de la mienne qui s’essuie sous les bras cause à la transpiration abondante due au stress.

–        Mais on parle bien du christ ? essaye-t-elle de grappiller

–         Ha ça, chêêêre madame Falzar, je ne peux rien vous dire

–        Poissard, andouille, pas Falzar !

Pendant ce temps, un regard malicieux dans ses mirettes, le Vendebout de Montbéliard pose deux jetons et envoie l’accélérateur qui oblige sa concurrente à répondre dans les  5 secondes

Rien qu’à voir la tronche de ma gro… de ma femme, je vous le dis solennellement : Il aurait jamais dû faire ça, le fou !

Drapée dans une dignité tout Poissardienne, telle une France attaquée traitreusement par des kamikazes comme à Pearl Harbor, ma libellule se transforme en panzer et avance sur l’asticot blanc de peur.

–        T’es mort ! hurle –t’elle, je vais engruner tes pauvres couilles

–        Mais, essaye d’intervenir Naguy, répondez madame Tronchard vous n’avez plus que trois secondes

–        M’en branle, je vais d’abord atomiser ce traitre à la patrie !

–        Mais, madame Coltard, il avait bien le droit de mettre l’accélérateur, non ?

–        Ouais ! Et il a aussi le droit de mourir dans l’indignité ! gueule ce nouveau bourreau des basses œuvres.

La suite restera très confuse dans l’esprit de tous : ma bande, aidée des cousins Québécois hurlait « à mort à mort  » avec leur pouce vers le bas, le présentateur qui ne savait plus où donner de la voix et ma Poissard qui poursuivait l’asticot jusque dans les arrières coulisses…

Fouille ouille ouille.

Ce fut Homérique comme aurait dit Platon; aux cris du pauvre candidat, on a bien senti que sa fin était proche et au bruit caractéristique des mandales qui claquaient sur sa pauvre gueule, l’assistance se tut. Puis on entend à nouveau ma Poissard qui, en trainant ce qui restait du candidat, revient sur la scène et se met à hurler:

–        Y dit qu’il a perdu ! Quelqu’un, ici, est pas d’accord ? Et dans ce silence approbateur qui la réconforte, elle continue:

–        Bon j’ai gagné la première, au suivant !

Malheureusement pour elle, Naguy s’était enfui avec les trois quart de l’assistance et il ne reste plus que ma bande et les Québécois.

–        Bon, hé bé tant pis, déclame cette nouvelle gagnante, on a qu’à aller arroser ça au bistrot du coin… Poissard, prépare le black, c’est ma tournée !

Pour tout vous dire, la soirée a fini tard, surtout pour ce cher Vendebout, son trophée,  qu’elle soulevait bien l’air à chaque ovation de l’équipe.

Puis elle le jetait par terre et le coinçait avec son pied posé sur sa pauvre tête afin qu’il ne s’en aille, ce renégat !

Et dans la rue, le regard fou, faisant des va-et-vient devant le studio de France 2, Naguy qui n’arrêtait pas de gémir:  » Naguy, moi je m’appelle Naguy… j’ai bien le droit, non? »

Si vous voyez ce que je veux dire…

 

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