Sous la houlette de Tof’, notre MC de février, un nouveau recueil s’échafaude. Comme d’habitude, nous patienterons pour lire les pépites envoyées, mais pour nous perdre un peu plus en chemin, peut-être pourrions-nous échanger quelques hallus…
Dans l’Univers, Hubert Haddad raconte l’histoire d’un homme amnésique, recomposant peu à peu son passé grâce au dictionnaire qu’il écrit. Et voici ce qu’il note à l’entrée labyrinthe :
« Au dessus de l’Altmühl, entre le Pont brûlé et le Moulin des fées, les grottes en carrières, sous les massifs forestiers, avaient une étendue considérable qu’aucun habitant de la région n’avait su déterminer. Quand je m’y perdis, un soir de chasse ou de manœuvres militaires, personne ne m’attendait vraiment au village. La torche électrique commençait à faiblir après des heures d’errance sous les voûtes grossières et je m’effrayais à l’idée d’être bientôt aveugle et sans repères, livré aux bêtes sauvages ou aux précipices. J’avais marché droit devant moi, en butte aux dénivellations, traversant parfois une tourbière, me cognant à de rudes murailles suintantes au fond d’impasses. Une partie de la nuit, je courus ou me traînai de boyaux en cavernes ; ma lampe ne projetait plus qu’une fluorescence, à peine une lueur de luciole. J’espérai mourir de l’épouvante que j’aurais d’être à jamais perdu. A la fin, suffocant, je m’efforçai de juguler un tourbillon d’émotions et de souvenirs. Immobile après cette course, dans un vertige qui enroulait les forêts et les profondeurs de la terre en une tresse d’images ascendantes, je dus perdre l’esprit sans franchir l’état de veille et m’endormir debout. C’est d’un pas de somnambule que j’échappai au piège, à l’endroit même qui m’avait vu disparaître. Une lumière d’aube m’accueillit hors du dédale. Au lieu d’une torche, je tenais bizarrement un os au poing, quelque tibia de renard échangé avec l’ombre. »
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«La vie est un voyageur qui laisse traîner son manteau derrière lui, pour effacer ses traces »
Louis Aragon
« … Il n’est encore que de savoir s’orienter dans le dédale. Le délire d’interprétation ne commence qu’où l’homme mal préparé prend peur dans cette forêt d’indices. »
André Breton
« Le femme est le premier labyrinthe de l’homme. »
Jacques Attali
hu hu 😉
Un labyrinthe, c’est un délit d’Attali, une parole de Breton, une trace d’Aragon… C’est une page de Lautréamont,
une structure acide qui s’étend à l’amour… C’est l’espoir du vent qui nous emporte, l’irrationnel qui s’emmure, le monde organique provisoire, la permanence d’incertitudes lointaines, un puzzle rassemblé…
Un labyrinthe, c’est un puzzle rassemblé; l’aboutissement à voies multiples d’un long travail grave et ludique de tentatives d’assemblements. Et quand enfin tout est rassemblé, il faut encore s’orienter dans le dédale, se perdre aux confins des cimes et des abîmes, des horizons et des impasses… Un labyrinthe, c’est le manteau froid d’un Minotaure et le lange bouillonnant pour une errance… °°’
« Je me rapproche de deux pas, elle s’éloigne de deux pas. Je chemine à dix pas de l’horizon et l’horizon s’enfuit dix pas plus loin. Pour autant que je chemine, jamais je ne l’atteindrai. A quoi sert l’utopie ? Elle sert à cela : cheminer. » Eduardo Galeano