chroniques du ver sot : l’élégant de boxe

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  • Et plus molle sera la chute…
  • Aujourd’hui, c’est pas un jour trace car c’est Byzance… Bon, celui là,  il est fait.
    Je suis super joyce vu que je suis invité à Paris à la salle Wagram, avenue du même blaze, pour assister au championnat d’Europe de boxe poids lourds.
    Bien sûr je me suis fait tégévéiser depuis Montpellier et bien sûr il m’est arrivé plein de bonnes choses pendant les trois heures vingt du trajet, mais ça c’est une autre histoire que je vous narrerai plus tard si j’ai envie.
    Faut quand même bien affirmer aux proprios d’autogoïstes  qui préfèrent nous polluer les éponges en n’empruntant jamais le TGV, qu’ils ratent quelque chose : la vie intra muros d’un wagon à des parfums voluptueux d’aventures croquignolettes que jamais leur levier (même en deux mots) de vitesse ne remplacera !
    Mordez le topo : pendant un laps de temps où le temps suspend son vol, seul au milieu de gens isolés qui n’ont que l’envie de découvrir leur prochain, tu butines les destinées qui s’offrent à toi ; il faudrait être frapadingue pour rester aussi seul que le gonze qui est derrière un volant, non ?
    Même si le volant est monté sur un inaccessible 4X4 super frime, quand t’es seulabre, t’es seulabre !
    M’enfin, à chacun de souffrir sa vie comme il l’entend…
    Me voilou donc devant la salle Wagram, témouine de grandes pages historiques de l’art pugilistiques et je dois avouer qu’un petit frisson me parcours l’échine comme disait Mao.
    J’entre et tout de suite l’odeur de victoires éclatantes mélangée à celles des défaites tragiques me torpillent le blaire.
    Au milieu de la salle excitée, un petit ring contient à peine le bruit des gnons que se balancent deux cogneurs/encaisseurs qui espèrent égoïstement que l’autre va enfin dégringoler pour mordre le tapis.
    Je me glisse jusqu’aux vestiaires pour retrouver Mr Louis le célèbre entraineur mondialement connu dans le quartier de Wagram car c’est lui qui m’a invité pour assister au triomphe de son poulain Dédé le rouge.
    Monsieur Louis, Louis Gignac de son état civil, est un ancien boxeur qui a gardé toute son élégante classe et lorsqu’il écumait les rings, on l’appelait l’élégant de boxe eut égard à sa démarche racée et à son fairplay.
    D’un seul regard, deux armoires à glace style viking hormonés de frais me déconseillent de m’aventurer plus loin que la porte du vestiaire dont ils ont la garde et je suis obligé de me fendre d’un sourire 36 rectifié 38 pour qu’ils daignent me demander « kékiveut-le-monsieur ».
    Aux mots magiques de « Mr Louis » et « vieil ami » le plus petit des deux (à peine 1.95m) m’invite à entrer dans l’antichambre de la victoire, du moins c’est ce que Mr Louis martèle à la tronche cabossée de Dédé le rouge:
    –    Tu vas le pulvériser, l’anéantir, le bousiller, l’atomiser parce que ce peigne cul t’a traité de poule rouillée alors que tu es en inox
    –    Oui, m’sieur Louis
    –    Dès le premier round tu t’accroches et à chaque sortie de corps à corps tu lui pistonnes des directs dans le foie : ça va l’énerver ce connard !  
    –    Oui, m’sieur Louis
    –    Après quelques gauches droites à la face, tu refais le coup de l’accolade
    –    Oui, m’sieur Louis
    –    Et quand l’arbitre est loin, tu lui dis que sa femme est un bon coup; avec un peu de chance il te demandera si tu l’as essayée et ça le déconcentrera
    –    Oui, m’sieur Louis
    –    Et pis tu remets ça chaque fois que tu peux
    –    Oui, m’sieur Louis, mais lui, il va être d’accord?
    –    Hoooo  putaing ! Qui m’a foutu un défaitiste pareil ? T’occupe pas de ce qu’il va faire et applique mon plan si tu veux être champion d’Europe !
    –    Heu… D’accord m’sieur Louis mais j’espère que son entraineur va pas lui dire pareil…
    –    Mais non, andouille, y’a que moi pour penser à des ruses pareilles !
    A ce moment, M’sieur Louis m’aperçoit et vient vers moi, les bras grands ouverts
          –   Ha Marcus, mon ami, tu vois ce que c’est la fabrique de champions ?
    Je le congratule longuement sans oublier les petites tapes dans le dos (à hauteur des omoplates), signes indéfectibles d’amour mâle et viril envers un ami mâle et viril.
    Les trompettes de la gloire se mettent à sonner pour appeler les deux prochains gladiateurs et on couvre la tête de Dédé afin qu’il n’y voie plus rien et surtout pas la haine de son adversaire qui n’arrête pas de faire des bras d’honneur dans sa direction.
    M’est avis que l’entraineur de  Kurt Boum Boum à raconté, lui aussi, pas mal de conneries à son poulain, l’autre prétendant au titre de champion d’Europe de boxe catégorie poids lourds.
    Pendant le trajet jusqu’au ring, je me permets une question à Mr Louis :
    –    Pourquoi que son blaze de guerre c’est Dédé le rouge à ton poulain ? Dédé, je pige, mais le rouge ?
    –    Ho ça? C’est à cause de sa culotte qui est rouge parce qu’il est un peu impressionnable et si jamais il saigne, rouge  sur rouge ça fait que le sang ne se voit pas et il garde le moral. Mais l’idée est de lui, hein ? Ne va pas penser que je manigance des trucs aussi jobastres.
    –    Pas une seconde ne puis-je retenir  
    Après que l’arbitre eut débité les conneries d’usage genre: « pas de coups de pieds dans les roupettes » ou « les couteaux sont interdits » les deux demis futurs champions se toisent et je peux vous dire que les regards sont chargés.
    –    Je suis Dédé le rouge affirment les yeux de l’homme à la culotte rouge, et je vais te détruire ta pauvre gueule de puching ball teutonique.
    –    Je suis Boum Boum le bombardier répondent ceux De Kurt, et tout à l’heure ta mère ne va plus te reconnaitre.
    Bref, les politesses d’usages en ces circonstances.
    Le gong demande aux belligérants d’effectuer le premier round et tout de suite c’est Boum Boum qui se jette comme un mort de faim sur son collègue d’infortune qui doit, in petto, embrayer la marche arrière.
    Les coups pleuvent sur la pauvre tronche de Dédé qui jette plein de regards désespérés vers son coin.
    A la fin du round, Dédé arrive en courant vers son tabouret.
    –     Hé, M’sieur Louis, il est drôlement antipathique ce mec. Qu’est-ce qu’il a à me frapper comme ça ?
    –    T’occupe, il se fatigue, continue et applique notre plan
    Les deux rounds suivants, le bombardier continue son travail de démolisseur et Dédé rougit sa culotte.
    –    M’siieuuuur Louuuuis, faut lui dire d’arrêter à ce con gémit le rouge
    C’est au cinquième round que Dédé va voir de visu si le tapis est bien propre.
    Dans le regard de son entraineur, je sens comme poindre un petit doute. Puis un gros, au sixième, quand Dédé se fait compter trois fois jusqu’à huit.
    Manifestement Dédé est ébranlé, le doute l’habite et ses yeux se mettent à craindre puis à  avoir peur…
    Et le coup de théâtre se produit à la fin du septième : M’sieur Louis, l’élégant de boxe, le célèbre entraineur du quartier Wagram, dit ces mots terribles à sa nouvelle pouliche:
    –    Enlève ta culotte rouge et met celle-ci.
    Puis il tend au pauvre Dédé, une culotte marron…
    Comme quoi, voyez-vous, Hugues Aufrey se trompe quand il affirme que la couleur ne fait pas l’homme…

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