Bonjour ,
Cette lettre- je préfère ce terme à cet affreux e-mail va certainement te surprendre après tout ce long silence, plus de deux ans déjà, mais, mais vois-tu ce soir le travail, je dois renégocier mon contrat..Ils sont contents de moi et me proposent le double si je signe pour 6 ans….
Comme on dit, cette nuit ma vie a défilé et tout est devenu très clair pour moi et j’ai donc bien des choses à mettre en ordre…
Et la première, celle qui commande toute ma décision, c’est toi. Tu as toujours été pour moi un ami précieux, jusqu ‘à mon lointain départ il y a plus de deux ans.
Ca allait de déboucher un lavabo à écouter mes malheurs sentimentaux jusqu’ à deux heures du matin autour d’un « Bolino » ou d’une tablette de chocolat.
Quand je voulais te remercier, tu souriais en me disant : « Mais non, regarde je t’ai encore bouloté tout ton Lindor ». Mais tu mérites une grosse engueulade, tout de même, car jamais tu n’as essayé quoique ce soit…
Oh, je sais, je sais. Je suis sure que tu en avais une folle envie.
Tes yeux brillaient, ta voix s’altérait par moments.
Je crois que tu avais peur…
Peur de perdre mon estime, mon amitié en cas d’échec…
Je me souviens d’une expression que tu employais à d’autres propos… Comment était ce déjà ?… Ah,oui « Lacher la proie pour l’ombre »… Des foutaises…
Mais ce jour là à l’aéroport, quand tu m’as pris dans tes bras, tu t’es contenté d’une étreinte fraternelle. Et pourtant, j’ai senti jusque dans l’avion ta présence solitaire sur le tarmac longtemps après le départ. J’ai même senti ta grosse boule dans la gorge…
Sais tu que si tu m’avais embrassé pour de vrai, j’aurais tout envoyé promener, le grand poste dans cette multi de merde, l’appartement aux frais de la compagnie en plein Manhattan et ce foutu contrat de 3 ans ?
Sais-tu par exemple que ce jour ou nous avons visité le cachot de Marie Antoinette à la Conciergerie, je t’imaginais en Fersen me libérant et m’emmenant loin du tumulte révolutionnaire…
Imagines-tu que depuis très longtemps au cinéma, je te projetais dans ces rôles ou l’ami déballe enfin son cœur à sa chère et tendre qui bien entendu, ne le laissait pas passer.
Et d’ailleurs…Toi aussi… J’ai trouvé toujours bizarre cet intérêt pour les comédies romantiques..
Je sais, c’est un peu de ma faute aussi. En te contant mes amours tu devais te dire : « Oui, celui-là il est beau, brillant, intelligent, riche. Oui je n’ai vraiment aucune chance… »
Mais si justement, imbécile, tu les avais, oh combien !
Bon, maintenant je vais éteindre cet ordinateur, et rejoindre mon rendez-vous dans ce haut lieu de la finance mondiale et je vais leur dire que je les quitte pour un concurrent sur lequel ils ne pourront jamais s’aligner : Toi…
Ils me prendront pour une folle, et ils auront raison…
Mais folle je l’étais bien avant de ne pas m’être jeté à ton cou, bien avant…
J’ARRIVE avec mes faiblesses et mes forces.. Je suis un peu cassée, mais je sais que tu vas me réparer et tu le feras sans nul doute avec toute la force et l’amour que je pourrais te rendre…
Je t’embrasse
Annie tout à toi
New York
Le 11 Septembre 2001
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