RC51 – L’abyme

Peinture de Diego Rivera, photo de Eclusette

L’abyme

Au rythme  accéléré d’un métronome battant la folie, mon ombre s’effaçait derrière des murs percés par des vers de la mort. Au trou, ma vie s’échappait par des soupirs murmurés sur l’éternité qui dansait  sous une étoile défunte.

Par delà les monts du réel, je fermai mon regard une dernière fois. Mon talisman de poussières devenu, le vent l’emporta sans remords. Par devant, une vie nouvelle.

J’enfumais d’encens tant de musique qu’un concert traversa le mur du son.  Soudain, mes yeux s’ouvrirent sur une note déposée à la portée de ma tombe : «  Laisse-moi t’emporter au jardin des étoiles rouges »

Ci-git à Détroit,  j’entends cette poésie venue du nord en passant par la Louisiane, seul sur mon étoile, la vie me manque. Je reviendrai du bout du l’univers pour raconter l’Histoire dans l’histoire.

Le Blues du voyageur       http://www.youtube.com/watch?v=eM30H2nWcSY&feature=share

Le Blues du Voyageur

J’habite une cabane l’autre bord de l’infini Où les esprits des animaux viennent gratter à mon châssis. Depuis que la guerre est perdue, depuis que mon lit est vide, Depuis que le soleil ne se lève plus dans ce pays. Si j’avais su ce que je sais maintenant, je t’aurais jamais laisser partir, La différence entre bonheur et chagrin se mesure en quelques plaisirs. Depuis que ma radio est morte, depuis que j’ai plus de nouvelles, Depuis que ce silence n’arrête pas de crier dans mon oreille. C’est trop tard pour pardonner, C’est trop tard pour faire semblant. Ça sera trop tard demain, C’est trop tard maintenant. Trop tard pour se détacher, Pour revenir en arrière, Trop tard pour oublier, Trop tard pour rien faire. J’entends klaxonner les ambulances, des marteaux qui frappent le ciel. Je sens un vilain tremblement dans les murs de la citadelle. Depuis que je suis indiffèrent, depuis que je m’en fous pas mal. Le temps est lent à passer, je ferme mes yeux et je m’endors. C’est trop tard pour pardonner, C’est trop tard pour faire semblant. Ca sera trop tard demain, C’est trop tard maintenant. Trop tard pour se détacher, Pour revenir en arrière, Trop tard pour oublier, Trop tard pour rien faire. Je prendrai l’amour entre mes mains pour faire une petite boule, La garocher travers l’univers jusqu’à ce que je la vois plus. Depuis que la ville est tombée, depuis que mon cœur brûle, J’arrive pas à m’empêcher de danser comme un fou.

Zachary Richard, Les Editions du Marais Bouleur / source : http://www.zacharyrichard.com/lyrics/lebluesduvoyager.html

Rue Woodward, je suis là. Trotski, la tête couchée dans les étoiles. Au trottoir. J’ai froid devant moi. La pluie lave mes plaies. L’odeur des chiens. J’ai faim de savoir de revoir.  Entre mes mains, je cache mon recueil. Ma vie. Celle des mémoires d’avant la guerre : Lev Davidovitch Bronstein.  J’attends l’ouverture des portes du célèbre DAI. Je veux la paix. Revenir auprès d’elle, Frieda. Revoir sur les murs, les gigantesques fresques  de mon ami Diego. Tout revoir. Tout reconstruire. Je savais que tant de bureaucratie industrielle, sous le contrôle d’avides capitalistes, viendrait à tout détruire de l’œuvre des prolétaires. Où sont les ouvriers qui ont donné vie à ce glorieux fleuron des USA ? Quel grand gâchis ! La révolution trahie ! Ici, Détroit se meurt et les Bates men se font la guerre pour les ruines d’une maison maudite.

Que reste-t-il de ce Détroit, Terre promise de richesse et de justice ?  Ne reste majoritairement que des hommes et des femmes issus des mêmes racines que celles de Marinette. Tous ceux qui marchaient vers le Canada par l’Underground Railroad et qui sont demeurés du côté sud du lac Michigan. Ceux qui ont sué corps et âme pour créer ce monde nouveau. Ce monde  de l’ère industriel : particulièrement, l’industrie de l’automobile.

Les autres ont traversé le passage par la rivière Détroit face à l’Ontario qui ouvrait ses portes aux esclaves noirs en fuite vers la liberté.Canada…”  abarren country where only black-eyed peas can be grown. P.33  The Freedom Seekers / Daniel G. Hill

J’ai la tête lourde… une balle traverse mon âme.

 

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6 thoughts on “RC51 – L’abyme

  1. C’est une sortie remarquable et exceptionnelle du chaman qui sort de son trou où la danse qui rend fou nous fait atterrir sur le trottoir, Trotsky à nos côté près d’une étoile rouge.. où on entreperçoit une histoire d’amour et où tous les chemins mènent à nos destins. Bravo pour cette prose si poétique Marie-Love.

  2. Certains traversant l’Ontario sont même resté coincés au Québec 🙂
    Même si l’on ne reconnait pas trop nos personnages, on voit ici que les paraboles ne servent pas qu’à capter la télé.
    Et pis, à la fin de sa vie, Trotski était un voisin mexicain tout en n’étant pas un mec si con…

  3. Le chaman a-t-il renoncé à s’incarner ? Nous ne perdons rien au change, son chant n’en est que plus puissant, très envoûtant, Delphine est aux abonnés absents dans la demeure maudite parce qu’après avoir su les sortilèges de la crypte, heu de l’église, après avoir assisté, stupéfaite, à la vente aux enchères et à la prestation prestigitation d’Atakagi, au cri du coeur de Lana Graham pour son peintre mystérieux, elle a perdu la boule et la boussole, elle danse, elle aussi, autour du rond imbherbe comme une folle et son esprit s’est envolé à travers l’espace et le temps sur les traces des pensées du chaman, elle est ravie d’avoir croisé Frida et Trotski mais le chaman est trop sombre pour elle, elle erre maintenant dans les grandes plaines en cherchant comment garrocher sa propre pierre à un édifice qui rétablirait l’amour entre les déshérités et les envahisseurs … Elle n’est pas près d’écrire :))) !

  4. Dans ces espaces ouverts, nous pouvons rêver et créer tant d,imaginaire avant que le sort en soit jeté sur cette maison des artistes rassemblés. L,important: amusons-nous ensemble. Bien sûr que Trotski finit ses jours au Mexique. Pas un mec euh… Mexicain ce Russe étoilé de rouge.
    Delphine ne doit surtout pas avoir peur, l’amour est au rendez-vous. Bises à vous tous.

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