Oeuvre chorale / LAT
CHAPITRE 2/ JE M’VOYAIS DEJA… EN HAUT DU MONT ELBERT !
Dans l’attente interminable d’une éventuelle réponse de la part d’un de mes acolytes anonymes, j’assistais interloquée au spectacle de l’ordinaire de ma vie ; il n’est pas évident de reprendre le cours habituel des choses quand quelque chose dans votre esprit vient le bouleverser et révéler son côté extraordinaire qui ne vous lâchera plus ; c’est un peu comme la promesse d’une révolution imminente qui ne vient pas.
Mes doigts étaient tendus -comme à peu près la quasi-totalité de mes membres- au moment de saisir le stylo lâchement abandonné dans un coin de la chambre, et ne purent rien aligner sinon quelques bribes de gribouillis illisibles. À nouveau, je me réfugiai dans la seule alternative possible pour le moment, en me mettant aux fourneaux avec l’idée de créer une pièce montée, à défaut d’une pièce de théâtre. Nul mariage à l’horizon, mais je prévoyais, dans l’optique d’un nouveau départ, de donner à contempler mon œuvre pâtissière une fois les formalités achevées et le débarquement de mes amis assuré ; à défaut, je me doutais que les occasions de solitude ne manqueraient pas de se présenter à moi pour me permettre d’apprécier, en tête-à-tête avec moi-même, l’ampleur de mon talent de chef.
Entre deux chouquettes, je me connectai à ma boîte mail pour vérifier avec excitation mêlée d’un brin d’anxiété si une réponse m’était parvenue. Mais rien dans la boîte de réception ne permettait que je sautasse de joie : je supprimais tour à tour la relance de mon opérateur téléphonique me suggérant pour une énième fois de passer à la 5G, la notification mensuelle de ma banque me prévenant que le détail de mon compte était en ligne, une chaîne d’amitié insipide envoyée par une grande-tante jamais rencontrée, une e-carte virtuelle pour les fêtes de fin d’année, une newsletter d’un site littéraire où je n’officiais plus depuis belle lurette, et des spams en cascade. Mais que glandaient-ils ? Notre belle émulation de jadis ne les intéressait donc plus, à ces grands fous dont la plupart avait succombé au grand confort illusoire du réseau social que je fuyais, les autres s’étant sûrement fait la belle ou bien choper en flagrant délire de blasphème et autres petites curiosités asociales dont eux seuls ont le secret ? Une fois n’était pas coutume, je me retrouvais en proie à un grand moment de solitude. Mais le temps est élastique, et je me remis à ma pièce montée avec la certitude que quelqu’un allait forcément se manifester : ils ne pouvaient décemment pas ignorer la nouvelle hallucinante que je leur avais fait parvenir. La question était de savoir s’ils allaient quand même se manifester à temps…
Je reçus un texto de ma cousine avocate qui me demanda la date de mon départ pour Détroit. Un long soupir s’ensuivit, puis un douteux »ça vient… » répondit à sa curiosité légitime. Affalée sur la canapé, les yeux dans le vague, je m’imaginais déjà là-bas, entourée de mes joyeux drilles préférés occupés à retaper la ruine ; je me voyais déjà admirative de leur bonne volonté, à choyer chacune et chacun d’entre eux en vue d’une harmonie collective, prête à me dévouer corps et âme pour assurer leur bien-être indispensable à la réussite de ce nouveau projet, au point même de saisir le volant de mon bolide qui filerait à toute allure jusqu’au Colorado où, une fois sur place, je chercherais l’un des premiers coffee-shop si médiatisés depuis que les 55 % d’électeurs de l’État avaient décidé la légalisation du cannabis, désormais en vente libre et accessible à toute personne majeure. L’idée que les premiers bénéfices de ce nouveau marché étaient d’ores et déjà destinés à l’enseignement public me ravissait au plus haut point, et je prévoyais mon enthousiasme au moment de l’entrée dans l’un de ces coffee-shop dont j’imaginais l’ambiance et la diversité de la clientèle.
On y croiserait à coup sûr des nostalgiques de leurs jeunes années woodstockiennes, des malades, des jeunes fêtards, des touristes, des sportifs, et peut-être même des enseignants désireux de contribuer à la valorisation de l’école… Je vois bondir d’ici les belles personnes outrées d’une telle inconséquence politique et dont j’imagine les diatribes anti-beuh. Mais qui sait ? Je ferais la queue comme tout le monde, en connaissance de cause, avec une idée bien précise du produit à acquérir. Puis je me poserais cinq minutes à une table, où un jeune novice me demanderait s’il peut venir fumer chez moi, la nouvelle loi interdisant d’ouvrir les sachets d’onces avant d’être rentré à la maison. Bien sûr, j’éclaterais de rire, avant de lui proposer de braver la loi et de m’accompagner jusqu’au sommet du mont Elbert pour s’en partager un ; de là, nous descendrions vers le sud-ouest, à la découverte des réserves amérindiennes…
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yes yes yes! I feel good…. ça va être dur d’attendre avant de reprendre le chcichon… à qui l’tour? j’ai vraiment l’impression que mon esprit a été annexé; you’re a really magicien, child. Et le plus drôle est que je suis en train d’écrire sur ton père!!!! .-d
Depuis la première ligne, j’suis accroc. J’l’ai suivi. Ça jazz dans ma tête. Pas de plan. Murmures de fantômes gelés pris au piège d’un labyrinthe de mémoire. Regards troués, joues mouillées, tant de vers en moi.Mes doigts tombent sur mon clavier. Celui de la chorale. Je cherche mes notes. Ça jazz dans ma tête. Et j,aime ça.
oui bravo Child, ce n’était pas facile à reprendre le flambeau et tu t’en sors avec brio
Le premier violon a fait son office. Hâte de lire la suite ! 🙂
Merci, j’avais peur d’être à côté d’la plaque ! Hâte aussi de lire la suite !
…
A côté de la plaque ? La plaque d’égoût sur le trottoir ? Elle était ouverte, tu es tombé(e ?) dedans, Bakachild ! Mais ce n’est pas une plaque ordinaire, bien au contraire. Moi aussi, je veux monter au sommet du Mont Elbert et redescendre rencontrer les habitants … La fumette ? hum, je ne crois pas pour moi, ce qui se montrera, et ce qui se montre déjà, suffira à me transporter ! Quelques mots se bousculent déjà dans ma tête, il ne faudra surtout pas que je me demande si je suis à la hauteur, sinon je n’écrirai pas …
Cette maison est attirante, et c’est un challenge, c’est vrai, que de succéder à son célèbre défunt propriétaire. Que va devenir ce living stone ? 😀
Je suis à l’odeur; je piste cette ambiance tel le sioux plait qui va entrer sans toquer.
Bakachild ne désespère pas : les brebis égarées sur l’immense toile pas très nette sont en train de revenir par le cheval de fer.
Merci de nous avoir guidés
J’entends les goélands dans ce living stone qui m’appelle. J’espère le cheval de fer … ce magnifique mythe à roulettes.