Pawata, en secret, a soufflé à Delphine qu’il fallait qu’elle monte dans le bus jaune des enfants délinquants et psychopathes ; ni une ni deux elle est montée, sous les sifflets, les quolibets …
« D’accord, mais tu ne me quittes pas ! » A-t-elle eu le temps de lui crier, mais il lui a répondu : « Tu n’as pas besoin de moi, je sais l’avenir que je vois, tu te débrouilleras ! Invente n’importe quoi, rends ta présence crédible et nécessaire !»
Prise dans le feu de l’action, rouge aux joues, dans un vacarme assourdissant, Delphine explique au chauffeur qui elle est, en mentant furieusement: une maîtresse d’école française, qui devait se présenter demain, mais qui, au passage du bus, n’a pu résister à anticiper ! Elle serait chargée de leur apprendre le français ! »
Le chauffeur gueule une annonce aux garnements qui, sous le coup de la surprise, se taisent … mais pas longtemps ! Alors, tandis que le bus redémarre, Delphine prend le taureau par les cornes et s’avance dans l’allée en criant de toutes ses forces et de sa plus grosse voix : « La ferme ! » Profitant du nouveau silence interloqué, elle leur apprend : «Voilà, je dois vous apprendre le français … Déjà vous saurez que La ferme ! Veut dire Shut your fucking mouth ! » L’expression leur plaît, ils s’amusent à la répéter sur tous les tons.
Et Delphine embraie : « Ne perdons pas de temps ! Je constate qu’un certain type de chanson retient votre attention ! Alors, avant qu’on soit à l’école, je veux que vous soyez tous prêts à chanter au moins une « dirty song » (Chanson sale) en français. On va commencer par le début de celle-ci, je vous la chante en français d’abord, je vous traduis ensuite ! » Ouf, les diables sont tout ouïe …
A toute vitesse, elle transforme :
Sur la route de Pen-Zac
Gouz gouz la irac
Gouz gouz la irac
Sur la route de Pen-Zac
La joie éclate et fait crac!
Y a les bourgeons qui bourgeonnent
Les pinsons font ricuicui
C´est la noce à Maryvonne
Qui débouche du pays
La grand-mère souffle dans un biniou
Le grand-père fait un pas de cheu nous
Les mariés suivent bras dessus, bras dessous, ouh!
En soupirant et s´ faisant les yeux doux
An anni gouz-é-o-sur
An anni gouz-ar-ch´ant!
{Parlé:}
« J´te plais t´y? Oh, voui! »
« Et moi, j´te plais t´y? » « Oh, voui! »
Qui devient :
Sur la route de l’école,
Kess kess kon rigole !
Kess kess kon rigole,
Dans not’ bus vers l’école
A l’abri de la torgnole !
On est des p’tits angelots,
Tout gentils et pas très beaux !
La vie nous a pas gâtés,
mais on va se rattraper !
Qu’est-ce qu’on aime dire des gros mots,
Les gens nous appellent drôles d’oiseaux !
On est mal aimés, battus, maltraités
ho, hé !
Mais tout va changer, on va s’en tirer
Faut nous aider, c’est sûr
Face aux vilains, aux gros durs !
« A vous ! », lance-t-elle. S’en suit une joyeuse cacophonie, mais au moins les gamins restent assis sur leurs sièges et ne pensent plus à se taper dessus … Le premier quatrain semble plutôt bien retenu ! Delphine avance un nouveau pion : « Pas mal, pas mal, pour une première fois ! » Les sourires la gratifient. Mais le plus drôle puisque c’est une chanson cochonne, croyez-moi, c’est de la chanter comme un cantique, comme si vous chantiez à l’église en prenant l’air innocent ! D’ailleurs, on la reprendra plus tard ! On va en essayer une autre, j’espère qu’elle va vous plaire ! C’est celle qui se moque de la France, d’où je viens, en anglais c’est comme ça :
There’s a place in France
Where the naked ladies dance,
There’s a hole in the wall,
So the kids can see it all !
– Y a un endroit en France
Où les femmes nues dansent,
Y a un trou dans le mur,
On peut voir tout, c’est sûr !-
Seulement, ce ne sont pas les paroles traduites qu’elle leur fait chanter, mais :
Faisons résistance,
On nous vole notre enfance
Par un trou dans le mur,
Laissons entrer de l’air pur !
Et les « kids » s’exécutent ; leurs voix d’anges résonnent aux oreilles éberluées du portier qui ouvre la grille de l’école. Delphine leur a menti, l’enfer est pavé de bonnes intentions dit-on, s’en mordra-t-elle les doigts si jamais les gamins apprennent la vérité ? Elle ne compte pas en rester là, elle va s’impliquer, comme elle le pourra et comme ce bus ne passait pas devant elle par hasard, elle est convaincue que ce qu’elle vit est relié à toute l’histoire, foi de Pawata …
Lenaïg
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Il fallait savoir que Delphine aimait les trous…
Encore un bus qui risque d’être détourné comme aurait dit Keanu.
Pawata est quand même gonflé de venir épaissir la sauce, lui qui plane au pays des chasses éternelles.
Mais bon, le sheriff Hank est en train de trouver son chemin de croix…
La vérité sera terrible pour l’humanité entière ! (voix caverneuse)
Mais ce n’est pas une surprise, voyons, cette attirance de Delphine pour les trous, depuis le temps que le rond imbherbe trou potentiel la fascine 🙂 ! Oh, mais quelle est donc cette voix qui traverse l’ex Jardin d’Eden ?
Oui, mais là c’est un trou énorme comparé au p’tit bout de trou de crane de Pawata.
Hein ? ! Je ne comprends pas, mais je vais faire comme si ! 😉 Je ne vois pas le trou énorme, et tant mieux sinon Delphine prendrait peur et je crois que son auteur ne fait pas justice à Pawata !
Je n’ai pas d’oreille pour compter les pieds des mesures en vers d’une chanson, mais j’aime m’inventer des chemins sur la route de Berthier dans un bus avec maîtresse Delphine. Ni les gros loups ni les Bates ne mangeront les p’tits boucs de choux. C’est un grand jour ! La chorale s’amuse. Je vois Child,le galopin,qui distribue des bonbons à ses copains en chantant » Je vous ai apporté des bonbons…. Dans ce bius, on tourne et les idées s,embobinent. J’adore cette tranche d’histoire.
Coucou Marie Louve, le chamane ne sera pas de trop pour que les angelots en question ne deviennent jamais des Norman !
v’là t-y pas qu’not’ poinçonneuse des lilas transforme un yellow bus en chorale: tout se tient! un vrai tour de force sous ces airs de n’pas y toucher, hein? Sacrée Delphine, poussée par une témérité sous son costume de french teacher timide.., elle n’en finira jamais de nous étonner., pas vrai? ..
😉 Si Delphine n’était pas trop prise par sa nouvelle tâche, elle s’étonnerait elle-même mais elle n’a pas le temps !
C’est une performance spectaculaire Hélène. Tu ne pouvais ne pas être là. Tu es une écrivaine jusque dans l’âme. Chapeau de paille, chapeau tressé, je le soulève bien haut, pour te dire mille fois bravo.
Ah oui, Di ? Trop gentil, mais c’est ce que je me dis quand je te lis et quand je lis tous les tireurs de ficelle de ce roman !
Je reviens car j’oubliais de te souhaiter bonne fête en te chantant une petite chanson dont j’oublie les paroles mais c’est un peu comme ça: Boum badiboum tara tati ta toum … Comment te sens tu avec un an de plus?
Merci beaucoup, Di, tara tari ! Ben, on se demande où tous ceux d’avant sont passés et on se dit qu’il faut vivre l’instant présent plus que jamais ! Bises chantées !
Une fraîcheur malicieuse imprègne ce chapitre dansant, et j’adorerais monter dans le yellow bus ! peut-être à un prochain arrêt.. En attendant, en route pour le Heidelberg Project ! 🙂
Kess kess kon rigole, kess kess kon rigole ! Mais, si, grimpe dedans aussi, on le détourne comme le suggère Aganticus et on se dirige tout droit vers le Heidelberg Project ! O:)
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